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Origines de la vie : les rouages de la panspermie (1)

Publié par Guillaume JOURET le 30 septembre 2018, 10:09am

Catégories : #Evolution, #Abiogénèse

Disclaimer — La théorie de la panspermie n’est pas la théorie communément admise pour expliquer l’origine de la vie sur Terre. Elle est présentée ici car elle constitue une possibilité théorique intrigante dont il est légitique d'exposer les critiques.

Origines de la vie : deux paradigmes

Les deux grands paradigmes classiques pour expliquer l'origine, ou les origines, de la vie sur terre sont la panspermie, ou origine extraterrestre de la vie, et l'origine terrestre de la vie.

L'origine terrestre de la vie

Au début des années 1950, Stanley Miller a montré, par des expériences devenues emblématiques, qu’une atmosphère artificiellement reconstituée pour mimer celle supposée de la Terre primitive, composée de gaz réducteurs, pouvait générer, en présence d’eau liquide et de décharges électriques, des molécules organiques simples, notamment des acides aminés. Selon Miller, les interactions chimiques complexes entre une atmosphère primitive et les océans d’une planète comme la nôtre pouvaient suffire à initier les premières étapes de l’émergence de la vie. Des travaux ultérieurs ont confirmé que les environnements riches en énergie chimique, tels que ceux situés à proximité des sources hydrothermales des fonds océaniques, étaient également capables de produire une grande diversité d’acides aminés et d’autres précurseurs organiques essentiels, renforçant ainsi l’hypothèse d’une origine terrestre de la vie.

La panspermie

Dès les années 1920, le biochimiste soviétique Alexander Ivanovich Oparine a contribué à diffuser les premières théories modernes sur l’origine de la vie. Bien qu’il soit principalement associé à l’hypothèse d’une genèse terrestre, Oparine a également envisagé la possibilité de la panspermie. Selon cette hypothèse, la vie serait omniprésente dans l’univers et disséminée à travers les météorites, astéroïdes, comètes et poussières cosmiques, pour potentiellement ensemencer des planètes favorables.

Paradigme de Hoyle-Wickramasinghe versus paradigme néo-Darwinien

Le paradigme néo-Darwinien

Dans le paradigme néo-darwinien, les mécanismes de sélection naturelle constituent la clé de l’évolution des espèces. La variabilité génétique, produite par des mutations et recombinaisons, soumise à la pression des environnements changeants, entraîne progressivement l’apparition de nouvelles espèces à partir de lignées préexistantes. Ce modèle explique la diversité biologique observée et la continuité des caractères partagés entre espèces actuelles et leurs ancêtres.

Le paradigme de Hoyle-Wickramasinghe

À l’opposé, Fred Hoyle et Chandra Wickramasinghe ont défendu tout au long de leurs carrières l’idée que la vie sur Terre pourrait avoir, au moins en partie, une origine extraterrestre. Leur modèle propose que des virus et bactéries, porteurs d’ADN ou d’ARN, puissent survivre au sein d’astéroïdes ou de comètes, protégés des conditions hostiles de l’espace, et voyager ainsi d’un système planétaire à un autre. Cette hypothèse a été développée dans plusieurs travaux, et plus récemment synthétisée dans une méta-analyse de Steele et al., publiée dans la revue Progress in Biophysics and Molecular Biology.

Implication majeure : les transferts horizontaux de gènes

Les virus constituent des vecteurs reconnus de transfert horizontal de gènes entre espèces. Ce phénomène soulève par exemple des inquiétudes en agronomie : des gènes issus de plantes génétiquement modifiées pourraient être captés par des virus et transmis à des espèces sauvages, modifiant ainsi leurs caractéristiques et perturbant des écosystèmes entiers. De manière générale, les transferts horizontaux de gènes favorisés par les virus sont un mécanisme naturel de recombinaison et de diversification du matériel génétique.

On sait également que les virus ont joué un rôle majeur dans l’évolution. En intégrant leur matériel génétique dans les cellules hôtes, ils ont façonné des pans entiers du génome des organismes. Chez l’être humain, environ 8 % de l’ADN est d’origine virale, témoignant de cette contribution au long cours.

Dans cette perspective, le modèle de Hoyle-Wickramasinghe envisage que certains gènes extraterrestres aient pu être introduits dans le génome d’espèces terrestres au cours de l’évolution, conférant ainsi de nouvelles fonctions venues de l’extérieur de notre planète.

Les virus peuvent-ils survivre dans l'espace ?

Cette hypothèse a été explorée expérimentalement. En 2014, Thiel et ses collaborateurs ont fixé à la surface d’une fusée TEXUS-49 des plasmides contenant des gènes conférant une résistance aux antibiotiques ainsi qu’une fluorescence. Après avoir traversé l’atmosphère terrestre, effectué un court séjour en orbite suborbitale, puis être revenus sur Terre, une fraction significative de ces gènes est restée intacte. Ces séquences intactes ont ensuite pu être intégrées dans des bactéries, qui ont exprimé les caractères de résistance et de fluorescence. Ces résultats suggèrent que, sous certaines conditions, du matériel génétique peut survivre au passage par l’espace.

À retenir
  • 🧬 Deux paradigmes coexistent : abiogenèse terrestre et panspermie.
  • 🔬 Hoyle–Wickramasinghe proposent un rôle potentiel des virus/bactéries spatiaux.
  • 📈 Les transferts horizontaux de gènes sont établis, mais leur origine cosmique reste spéculative.

Suite de l'article 📖 : Origines de la vie – La théorie extraterrestre (2)

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