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Gènes et compagnie

Recherche scientifique, génétique, réflexions autour de l'anthropocène


Dr Guillaume Jouret
Médecin spécialiste, Médecine Génétique


Darwin et Dawkins : mécanistique de l'évolution

Publié par Guillaume JOURET, médecin spécialiste, Génétique Médicale sur 13 Mai 2023, 23:51pm

Catégories : #Biographies, #Evolution

Darwin et Dawkins sont deux personnages, immenses et incontournables, de la biologie de l’évolution. Le premier avait infligé à l’humanité une gifle retentissante en 1859, sous la forme de son livre On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life : il y expliquait étape par étape la mécanique de l’évolution des espèces comme un processus logique, et ramenait l’humain parmi les primates. Le second, Dawkins, a frappé un siècle plus tard, en 1976, faisant chanceler le grand public et les sociétés savantes avec son livre The Selfish Gene : nous ne serions que les véhicules transitoires construits par nos gènes pour leur permettre de se dupliquer égoïstement,  rendant désuète la quête de compréhension de notre propre nature, détail de l’évolution perpétué au motif d’avantages biologiques.


Avant d’aborder les concepts les plus élaborés, rappelons comment les théories de ces deux hommes se sont construites l’une par rapport à l’autre. L'approche de Richard Dawkins dans The Selfish Gene diffère de celle de Charles Darwin à certains égards, bien qu'elle s'inscrive dans la continuité des idées développées par Darwin. Voici quelques différences notables.


D’abord, Darwin mettait l'accent sur la sélection des individus, en tant qu’unités fondamentales de sélection. Il considérait que les individus dotés de caractéristiques favorables au sein de leur environnement aux ressources limitées avaient de meilleures chances de survie et de reproduction. En revanche, Dawkins propose que les unités fondamentales de sélection ne sont non pas les individus, mais les gènes. A cet égard les gènes sont qualifiés d’égoïstes, c’est-à-dire désintéressés de l’individu : les variations génétiques se propagent ou disparaissent en fonction de leur aptitude à survivre et à se reproduire, et cela conduit à l'adaptation des populations aux environnements changeants.


Ainsi Dawkins développe une perspective génocentrique, affirmant que les gènes sont les principaux acteurs de l'évolution : ce serait sur les gènes que s'opère la sélection naturelle à travers les individus, individus qui sont des véhicules temporaires permettant la propagation des gènes. Il insiste sur le fait que les caractéristiques phénotypiques des individus sont façonnées par les gènes afin de poursuivre leur réplication.


Les deux scientifiques ont aussi contribué à élucider les mécanismes évolutionnistes de l’altruisme. Alors que Darwin avait noté qu’au sein d’un même groupe, la coopération et l'altruisme envers les proches pouvaient jouer un rôle avantageux dans l'évolution, en faisant par conséquent des comportements sélectionnés positivement, Dawkins complète son travail. Il soutient que les comportements altruistes peuvent être expliqués en termes de propagation de gènes apparentés, puisque l'altruisme envers des parents proches peut augmenter la transmission de gènes que nous avons en communs.


Alors que les travaux de Darwin se sont principalement concentrés sur l'évolution biologique, Dawkins élargit le concept d'évolution en incluant l'évolution culturelle. Il suggère que les idées, les croyances et les comportements culturels peuvent également être considérés comme se propageant et évoluant dans les sociétés humaines par analogie avec la transmission génétique et selon une mécanique similaire.


Notons que l'approche de Dawkins ne s'oppose pas fondamentalement à celle de Darwin, mais participe plutôt à en compléter les rouages avec des éléments encore inconnus par Darwin en 1859. Le terme « gène » fut introduit en 1909 par un biologiste danois, Wilhelm Johannsen, qui souhaitait décrire les « facteurs discrets » responsables de la transmission des caractères héréditaires, qui lui semblaient des éléments stables bien que toujours sans véritable identification biologique. En 1944, enfin, l'ADN est identifié comme la substance porteuse de l'information génétique, responsable de la transmission des caractères héréditaires chez les bactéries.


Dans les années 1950, la structure de l'ADN est élucidée : les travaux de James Watson, Francis Crick, Rosalind Franklin et Maurice Wilkins ont permis de mettre en évidence sa fameuse structure en double hélice. Cette découverte a fourni des informations clés sur la manière dont l'information génétique est stockée et transmise.


Les travaux de Dawkins ont suscité de nombreux débats et critiques, et nourri une passionnante controverse scientifique sur certains aspects. Soumis à un affrontement d’idées, ses travaux et ceux de ses détracteurs en ont été affinés, contribuant significativement à approfondir notre compréhension des mécanismes évolutifs et de l'interaction entre les gènes, les individus et les comportements. La critique scientifique et l'examen critique des idées sont essentiels pour la progression de la connaissance.

 

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